Lequel des trois F vous parle ? Fly ? Fight ? Freeze ?
Il semblerait qu’une des attitudes les plus fortement partagées soit la tendance à la fuite ou, du moins, à l’évitement face au conflit.
C’est ce qui me frappe lorsque j’écoute mes clients et parfois aussi mes amis : la volonté d’éviter de rentrer dans un conflit ouvert a constitué une de leurs préoccupations majeures.
Souvent, cette volonté va même dominer leurs comportements au détriment de leurs envies et attentes profondes.
2 Illustrations.
- Conflit du travail : un salarié qui progressivement ne voit plus ses objectifs fixés et ne perçoit plus en conséquence de rémunération variable à laquelle il avait droit.
Frustration, ressentiment (non exprimé), dévalorisation, perte de sens au travail, arrêt de travail.
Tout cela se finit par un licenciement pour inaptitude.
En tant qu’avocate, je dois saisir maintenant le tribunal d’une demande de rappels de salaires importante qui va, en toute logique, heurter l’employeur lequel va se retrouver face à un risque de condamnation de nature à profondément perturber son activité.
Un constat : le salarié n’est jamais entré en conflit ouvert avec son employeur sur ce point lorsqu’il était en poste et cela l’a profondément miné.
- Conflit lors d’une séparation : un couple séparé (non marié) s’accorde, sans avocat, sur le sort du bien conjugal. Monsieur s’en va du domicile, les enfants restent au domicile avec Madame qui gère leur quotidien.
Très inquiète de pouvoir racheter la part de Monsieur dans le domicile du couple, celle-ci n’ose pas exprimer clairement ses attentes quant aux contributions dues au titre de l’entretien et l’éducation des enfants. Monsieur gagne trois fois les revenus de Madame mais estime qu’un partage un 50/50 des frais des enfants est juste.
Là encore, la crainte d’un conflit ouvert remettant en question l’accord trouvé sur le domicile conduit Madame à taire ses attentes pourtant légitimes.
Dans les deux cas, la sécurité matérielle est au cœur de la crainte du conflit.
Dans le premier cas le salarié a peur de perdre de son emploi, dans le second, Madame a peur de perdre sa maison.
Mais est-ce que c’est uniquement cela ?
De quoi a-t-on peur dans le fait d’exprimer ses attentes et de s’exposer en effet à un désaccord profond ? Qu’est-ce qui nous terrorise à ce point ? Est-ce vraiment l’autre seulement ? Le risque de tout perdre ? Est-ce aussi ou plutôt la peur de soi, de ses propres émotions ? Une incapacité à se dominer ? De tomber le masque et révéler ses propres blessures et vulnérabilités?
Je n’ai pas la réponse.
Ce que je constate in fine.
Dans le cas 1 : le salarié a perdu son emploi et sa santé. Nous nous engageons dans une action justifiée sur le plan du droit mais qui sera certainement très mal reçue par l’employeur.
De son côté, le salarié ne l’engage qu’avec le sentiment de s’être fait avoir et pour rétablir une injustice ; cela n’a rien d’évident et de « léger » pour lui.
Dans le cas 2 : je m’inquiète beaucoup pour Madame. Que va-t-elle perdre dans ce conflit évité ? En toute logique, Monsieur, une fois l’accord trouvé sur la maison dans lequel il se montre arrangeant, n’aura aucune volonté de contribuer davantage ou d’une autre manière comme le souhaite pourtant Madame, d’autant que cette demande n’aura pas été clairement exprimée avant l’accord trouvé sur la maison.
Et si, et si, on avait ouvert la porte de la médiation ?
A priori lorsqu’on pense médiation, on se dit négociation, concession, apaisement mais plus rarement confrontation.
Et pourtant. C’est bien le lieu de la confrontation, et sans doute, davantage qu’au tribunal de mon point de vue.
Bien évidemment pas dans sa conception guerrière, avec un gagnant et un perdant.
Donner un espace à cette confrontation de récits et de ressentis est un des enjeux de l’espace de dialogue que crée(nt) le ou les médiateurs.
C’est bien qu’il existe une conflictualité « positive » comme nous y invite le cabinet INTERSTICE MEDIATION et son équipe de médiateurs et d’experts de la conflictualité.
A l’inverse qui n’a pas déjà fait le constat que le pourrissement des situations, (en particulier dans les organisations collectives de travail, au sein des équipes), résidait avant tout dans une incapacité de traiter un conflit et dans une tendance récurrente à l’étouffer ?
C’est aussi vrai dans les familles, dans les couples où le silence, les non-dits qui s’installent sont à l’origine de tant de souffrances, parfois héritées et retransmises, qui vont produire leurs lots de cancers et de souffrances.
Avant de me former à la médiation, je ne me pensais pas du tout faite pour endosser ce rôle de tiers, neutre et impartial. Je voulais prendre parti.
J’ai depuis interrogé mon propre rapport au conflit et me suis aperçue que j’avais une claire tendance à la confrontation.
Rien d’incohérent donc à m’y retrouver aux premières lignes en médiation.
Car s’il est bien un parti que j’ai choisi, c’est celui de la médiation.
Parce ce que j’observe dans cet espace, c’est que, bien davantage qu’au tribunal, c’est dans ce lieu de confrontation que le conflit peut se traiter utilement
et trouver la transformation qui permet le dépassement.
Et vous team fly ?
Team freeze ?
Ou team fight ?