Pour ceux qui ne le savent pas, c’est la semaine de la médiation.
Relayée principalement par les médiateurs, il est dommage que les professionnels du conflit que nous sommes, les avocats, soyons encore trop timides à recourir à ce processus et à convaincre nos clients de son intérêt.
Pourquoi cette réticence ? Pourquoi cette défiance à penser que les personnes sont en incapacité de se parler, de s’écouter et -soyons fous- d’évoluer dans leurs perceptions et leurs croyances ?
Ne faisons-nous pas, nous avocats, une énorme erreur d’appréciation en ne nous donnant pas véritablement les moyens de convaincre nos clients d’aller en médiation ?
En matière civile, lorsqu’il m’arrive de plaider devant la Cour d’appel, je suis frappée lorsque j’assiste à des audiences en attendant mon tour, d’écouter l’exposé des conflits qui se succèdent et qui majoritairement durent depuis des années (3, 5, 7 ans…) sans que les confrères n’aient jamais envisagé réellement de conseiller à leurs clients la possibilité d’une rencontre en médiation.
Encore la semaine dernière, en écoutant mes confrères plaider autour d’un conflit qui semblait assez inextricable devant le Premier Président de la Cour d’Appel (s’agissant de constructions non autorisées, avec déjà plusieurs condamnations dans un sens, puis l’autre et la perspective certaines de plusieurs années de procédures à venir), lorsque après sa plaidoirie, j’ai interrogé ma consœur sur le fait de savoir mais pourquoi ne pas envisager une médiation, suggérant au passage qu’il y avait peut-être un aspect relationnel entre les parties au procès qui pouvait expliquer et participer à la dégradation des relations et à l’enlisement de la situation, la consœur étonnée de ma question m’a répondu que ses clients étaient très gentils qu’ils n’avaient aucun problème relationnel.
Cette réponse finalement assez fréquente (car déjà plusieurs fois entendue) est à mon avis signifiante de l’erreur d’appréciation qui est régulièrement faite par les avocats dès lors qu’ils sont dépositaires du conflit de leurs clients, des attentes de ces derniers, de la mission qui leur a été donné de combattre, défendre mais parfois en oubliant un intérêt supérieur qui peut être perdu de vue lorsqu’on est soi-même acteurs du conflit.
Et nous-mêmes les avocats, en étant aux premières loges de ce conflit, comment ne pas en être directement affecté ? Quel est l’avocat qui ne s’est jamais énervé contre son confrère « adversaire » dans le dossier, quel est l’avocat qui n’a pas eu même parfois des larmes de rage ou d’impuissance parce qu’on lui a fait un mauvais coup ou parce qu’il a perdu son dossier?
Pendant longtemps j’ai été une éponge et pensant bien faire je faisais l’erreur de considérer que le dossier du client devenait presque le mien à un point que j’ai pu être touchée par l’émotion de mes clients et moi-même en être le vecteur.
C’est hyper implication peut parfois nous faire perdre de vue un intérêt supérieur et manquer de recul en nous empêchant de faire le pas de côté qui permet d’envisager la situation sous un angle légèrement différent.
Et c’est ça que permet aussi la médiation.
On oublie souvent que c’est aussi l’occasion d’une pause dans un conflit, la possibilité d’appuyer sur ce bouton de suspension temporaire du conflit et des procédures en cours.
Laure Verrier, médiatrice et Responsable du programme Pratiques de médiation au CNAM de Paris le rappelle souvent : la médiation c’est le moment où on rend possible cette suspension des solutions qui sont déjà envisagées de part et d’autre.
Voilà il me semble ce qu’on ne dit pas assez aux avocats qui justement sommes focalisés sur les solutions que nous demandent de trouver nos clients.
Or accepter une médiation c’est accepter d’appuyer sur un bouton pause, c’est accepter un moment qui permet un possible, l’inattendu, la possibilité d’une parole qui peut changer la vision de l’autre.
Cela suppose de faire confiance aux personnes et de leur restituer ainsi la pleine maîtrise de leur choix et de leur vie.
En médiation, les avocats nous avons toute notre place, nous sommes absolument acteurs du processus mais, comprenons le, pour soutenir nos clients, (et non parler à leur place), les accompagner, les aider à entendre l’autre, les aider à suspendre leur réaction, pendant ce moment, parfois effrayant, difficile aux premiers abords, où la rencontre, l’échange, la controverse, la confrontation des points de vue est possible, après parfois des mois, voire des années, où aucune communication n’a été véritablement été permise.
Pourquoi cet échange est différent en présence d’un tiers neutre qui est le médiateur ou la médiatrice ?
Parce que ce professionnel de l’écoute, du malentendu (c’est-à-dire de ce qui est « mal-entendu ») a une expertise de la conflictualité et peut aider les personnes à entendre et comprendre ce qui est exprimé et ce qui est signifié et ensuite, peut-être les aider, à trouver par elles-mêmes ce qu’elles veulent faire de leur conflit.
Mes chers confrères, encore dubitatifs et sceptiques sur l’intérêt de ce dispositif, ouvrez la fenêtre de la médiation !
Nous avons tous collectivement, professionnellement et humainement à y gagner.
Si vous me lisez jusque-là, très bonne fin de semaine.